Blanche imperturbable
 

Auriez-vous aimé vous marier avec l’homme idéal ?


C’est ce que Blanche a cru faire.


Voyez-la réagir face aux diverses situations et comment elle a dû changer au fil des années.


Voyez la femme derrière l’homme qu’elle a fabriqué de toute pièce.


Vous apprécierez, assurément !

Sommaire



Prologue

Introduction

Que lui fallait-il de plus ?

Guy et son ami Meillan

Madeline, son amie d’enfance

Que fait Guy durant ces longues journées ?

Au bord de la mer

Excursions hors du domaine conjugal

Manque de profondeur

Le tuteur arrive

Pas de chemin de fer ?

Blanche, pragmatique

Un ministre à dîner

Une fête en son honneur

La tempête

Naufrage en vue

Rapprochés par de grandes catastrophes

L’âme de Blanche a des ailes

Une visite inattendue

Des invitations

Un discours inoubliable

Hommage à M. de Fresnes

Au Mesnil pour l’été

Une châtelaine ne doit pas avoir les yeux rouges

La proposition

Un équipage arrive

Vouloir le tuer ?

M. de Fresnes s'est consacré à la diplomatie

À l’Opéra

Les années passent

Conclusion



Guy et son ami Meillan



Guy était dans le fumoir, fort ennuyé du siège en règle que lui faisait son ami Meillan. Les invités avaient déserté ce lieu de délices pour se rapprocher de la maîtresse de la maison, car à quoi bon dîner au château si ce n'était pour raconter ensuite tout ce qu'avait dit et fait la châtelaine ?


Ces messieurs savaient très bien que leurs épouses ne leur feraient pas grâce d'une épingle. Et pour éviter les reproches qui les attendaient, ils s'appliquaient à se rendre un compte minutieux des rubans, des dentelles, des bijoux que portait madame de Dreux, aussi bien que des détails d'ameublement dont la description devait leur donner beaucoup de peine, faute d'une connaissance approfondie des termes techniques.


Fatigué de son rôle d'amphitryon, fatigué surtout des belles paroles que, depuis le matin, il avait dû prodiguer de tous côtés, Guy s'était étendu de son long sur un divan.


— Mon cher, lui disait Meillan, je ne comprends pas ta conduite. Elle est impardonnable et, passe-moi le mot, inqualifiable.


— Toujours les grands mots ! fit de Dreux, d'un air ennuyé.


— Pas le moins du monde. J'ai les grands mots en horreur, et tu le sais mieux que personne. Mais avoue que c'est un peu fort, un jour de fête villageoise, un jour officiel, mon bon, qui doit rester et restera dans la mémoire des habitants de ce pays, ainsi que tous tes faits et gestes, d'aller promener à ton bras ce grand cheval de madame Lopez.


— Meillan ! interrompit M. de Dreux en reprenant la position verticale.


— Quoi ! tu trouves que je lui manque de respect ? Soutiens un peu qu'elle n'a pas l'air d'un cheval, et pas d'un jeune cheval encore, avec son nez busqué et ses dents trop longues ?


Mais la question n'est pas là. Elle aurait l'air de tout autre animal que mon opinion serait la même. N'est-ce pas absurde d'aller promener cette femme, quand madame de Dreux a été obligée de se servir de mon bras pour faire un tour dans le jardin ?


Poussé dans ses retranchements, Guy s'écria d'un ton maussade :


— Eh ! mon ami, il y a des devoirs auxquels on ne peut se soustraire... Elle l'avait exigé, c'était une des conditions de la rupture...


— Ah ! tu fais des ruptures avec des conditions, toi ? Ce n'est pas mal ! Si tu te figures que cela a flatté ta femme !


— Voyons, Meillan, à moins que tu n'aies fait exprès d'exciter ses soupçons, elle n'a pas pu se douter que madame Lopez...


— Elle ne se doute de rien du tout. Seulement elle a été attristée, et je crois qu'elle l'est encore...


Guy sourit d'un air satisfait de lui-même.


— Ceci n'a pas d'importance, dit-il. Elle aura promptement oublié ce petit ennui.


— Tu rentres dans le giron de la vie conjugale ? fit Meillan d'un ton sarcastique. Tu fais bien. Tu aurais peut-être fait mieux encore de n'en point sortir...


— Ah çà, Meillan, qu'est-ce qui te prend ? Tu es insupportable, aujourd'hui ! s'écria Guy en se décidant à se lever tout à fait.


— C'est comme cela que je suis quand j'ai mes accès de vertu, répondit le jeune homme.


— Ça te prend souvent ?


— Jusqu'ici non. Mais j'espère qu'à la longue ce sera mon état normal.


— Eh bien ! tu ne seras pas drôle à la longue. Viens abreuver d'éloquence ces braves Rémeçois.


Meillan arrêta son ami, qui se dirigeait vers le salon.


— À propos, ton discours, tu l'avais appris par cœur ?


— Parbleu !


— C'est toi qui l'avais fait ?


— Qui veux-tu que ce soit ?


— C'est vrai, il n'était pas assez bon pour qu'on pût l'attribuer à un autre qu'à toi.


— Il n'était pas bon, mon discours ?


— Pas trop. C’était enflé, pompeux et creux. Des phrases, pas d'idées, et des phrases qui ont déjà traîné partout. Je sais bien qu'ils aiment ça, ici. Mais enfin, parmi tes auditeurs, il y en a de plus relevés, moi, par exemple. Tu aurais pu penser à ceux-là en composant ta harangue.


Guy, de plus en plus maussade, se retourna au moment de quitter le fumoir.


— Tu m'ennuies, dit-il. Et puis ce n'est pas ma faute ! Je n'ai pas pu trouver mieux !


C'est bien ce que je pensais, faillit dire Meillan, mais il se retint. À quoi bon froisser son ami ?


En ceci il fit preuve de force d'âme, car parmi ceux qui ont la repartie prompte, combien se laissent arrêter par la crainte de blesser même leurs proches les plus intimes ?


M. de Dreux était déjà au milieu du salon, distribuant des poignées de main et des compliments, car il se faisait tard, et les plus éloignés des Rémeçois se disposaient à battre en retraite.


Meillan s'arrêta sur la porte et regarda Blanche, qui accomplissait avec une égale ferveur cette partie de ses devoirs d'hospitalité. Elle était toute rose et souriante, mais elle souriait d'un air absorbé, et le rose de ses joues était un peu trop vif.


Pauvre petite femme ! se dit le jeune blasé. Pour une qu'on rencontre qui aime son mari, et qui l'accepte de bonne foi et sans conteste pour un aigle, il faut que ledit mari soit un imbécile. Soyons franc : de Dreux est-il un imbécile ? Pas encore, mais je ne lui donne pas dix ans pour le devenir. Et moi, qui me saura gré du sacrifice qu'en ce jour j'offre à la vertu ? Ne suis-je pas le plus sot de tous ?


Néanmoins, il se siffla à lui-même une foule de jolis airs de chasse, pour se tenir compagnie le long de la route, en retournant chez lui, au trot de son bon cheval.

Sur Amazon

Henry Gréville, Un ministre à dîner, naugrage en vue, politique, vouloir le tuer ? former un politicien, les nuances d’un château, accepter le chemin de fer

Sur Amazon