Pour la Patrie

 

Les idées d’indépendance du Québec ne datent pas d’hier. Voici un livre écrit et publé en 1895 qui montre ce qui arrivera dans leur futur, soit en 1945.


Voyez les idées avantgardistes de l’auteur et toutes les difficultés qu’il lui a fallu rencontrer. Et comment ces hommes ont combattu pour leur religion catholique et pour le français, même si lui-même est anglophone.

Sommaire



Prologue

Mot de l’auteur

Invoquer Satan

Ouvriers de ténèbres

Prendre soin du vieillard

Les deux soeurs de son ami

Réception chez Sir Henry Marwood

Une offre qui cache quelque chose

Dormez en paix !

Réunion du Suprême Conseil de la Ligue du Progrès

Un traître est plus dangereux qu'un fou

Corrompre un journaliste

Le projet tué dans l’oeuf

Ça prend un chef au mouvement séparatiste

Le Mercure change d’idée

Un pressentiment

Redoutable puissance de la calomnie

Lamirande persiste malgré tout

La réunion un jour de tempête

Un choix difficile

Que de doutes

Il n’y a que deux chemins

La confession

La mort du journaliste

Que faire de toutes ces preuves ?

Son idée fait son chemin

Ce fameux projet de loi

Une question de privilège

Lettre à son père

Une dépêche de l’Archevêché de Montréal

La vérité enfin dévoilée

Le vote

Convaincre

Le retour de Marie

On les attend pour voter

Ajournement de la Chambre

Inattendu

Épilogue

Des livres captivants

Mot de la fin


Note à propos de la couverture  : Un choix possible

de Johan2011 / dreamstime.com




Prendre soin du vieillard



Le même soir, il se passait, dans un autre endroit de Québec, une scène bien différente. Malgré le temps affreux, plusieurs membres de la Saint-Vincent-de-Paul s'étaient rendus à la sacristie de la basilique pour assister à la réunion hebdomadaire de la conférence Notre-Darne.


Parmi les assistants était le Dr Joseph Lamirande. Celui-là, il n'y avait pas de tempête capable de le faire manquer à un devoir quelconque. Il pouvait avoir quarante ans. Sa figure grave et douce exprimait une très grande énergie tempérée par la bonté. Personne ne se souvenait de l'avoir entendu rire ni de l'avoir vu triste ou sombre.


Mais s'il ne riait guère, souvent, lorsqu'il parlait, un beau sourire illuminait ses traits et sa voix prenait des accents d'une tendresse infinie. Arrivée à la conférence, il était allé s'asseoir sur le dernier banc, au milieu d'un groupe d'ouvriers, et se mêla à leur conversation.


Après la prière et la lecture d'usage, le président de la conférence prit la parole :


— Messieurs, plusieurs personnes m'ont averti ce matin qu'un vieillard, venu on ne sait d'où, se trouve dans un galetas de la rue de l'Ancien Chantier, au Palais, où il est allé se réfugier. Il est malade, évidemment, et paraît être dans un dénuement absolu. Il parle peu à ceux qui le questionnent et ne veut pas dire son nom.


Ce n'est pas lui-même qui demande de l’assistance. Ce sont quelques gens du voisinage qui ont cru devoir appeler l'attention de la conférence sur ce cas quelque peu extraordinaire. On craint que cet étrange vieillard ne meure de faim et de misère si la Saint-Vincent-de-Paul ne s'occupe de lui immédiatement. Je crois que nous devons ordonner une visite d'enquête pour demain matin.


Après un instant de silence :


— Personne ne s'y oppose ? Eh bien ! la visite d'enquête est ordonnée. Qui va s'en charger ? Le Dr Lamirande voudra bien la faire avec M. Saint-Simon qui n'est pas ici, mais qui accompagnera sans doute volontiers le docteur. Si quelqu'un peut faire du bien à l'âme et au corps de ce malheureux vieillard, c'est bien vous, docteur.


— Je ferai mon possible, monsieur le président, et dès demain matin.


Le lendemain matin, fidèle à sa promesse, Lamirande accompagné de M. Hercule Saint-Simon, directeur du Progrès catholique, se rend au Palais.


Quel ironie dans ce nom ! Jadis, « du temps des Français », s'élevait dans ce quartier le palais de l'Intendant. Mais il y a longtemps que cet édifice est tombé en ruines et que les ruines mêmes sont disparues. De l'ancienne splendeur du palais il ne reste plus que le nom donné à un quartier de la ville, et plus particulièrement à une petite localité située entre Saint-Roch et la Basse-Ville.


Le souvenir même de l'ancien palais est tellement effacé que beaucoup de personnes se demandent pourquoi ce quartier se nomme ainsi. Par une étrange vicissitude de la fortune, l'endroit appelé plus particulièrement le Palais est devenu le quartier pauvre par excellence. Que de misères, morales et physiques, s'entassent dans ces logements délabrés, mal éclairés, malpropre, souvent infects !


— Oh, la triste chose que la pauvreté ! dit Saint-Simon. Elle est la cause de tout le mal moral et physique dans le monde.


— Elle est sans doute triste, répond Lamirande, puisqu'elle est un des fruits amers du premier péché. Mais elle est plutôt triste dans sa cause que dans ses effets. Jésus-Christ, ne l'oublions pas, mon ami, était pauvre. Il a béni et ennobli la pauvreté, et Il nous a laissé les pauvres comme ses représentants.


S'il n'y avait point de misères morales et corporelles à soulager, sur quoi s'exercerait la sainte charité ? Et sans la charité que deviendrait le monde livré à l'égoïsme ? Cette terre cesserait d'être une vallée de larmes, soit, mais elle deviendrait un vaste et horrible désert.


— Vous avez peut-être raison, théoriquement, mais en pratique je trouve la pauvreté très incommode, répliqua Saint-Simon.


— Mais vous n'êtes pas pauvre, vous, dit Lamirande en souriant. Vous badinez. Par pauvreté, on entend le manque du nécessaire ou du très utile.


— Tout est relatif dans le monde, fait son compagnon. Sans doute, si vous me comparez à celui que nous allons visiter, je ne suis pas pauvre. Mais comparé à d'autres, à Montarval, par exemple, je le suis affreusement.


— Pourtant, celui qui peut se donner le nécessaire et même l'utile n'a pas le droit de se dire pauvre. Il est permis, sans doute, de travailler à rendre sa position matérielle meilleure, mais à la condition de ne point murmurer contre la Providence si nos projets ne réussissent pas au gré de nos désirs.


La richesse que vous souhaitez serait peut-être une malédiction pour vous. Soyons certains, cher ami, que Dieu, qui nous aime, nous donne à chacun ce qui nous convient davantage. Il connaît mieux que nous nos véritables besoins.


— L'Aurea mediocritas, soupira le journaliste, convient aux esprits médiocres, à ceux qui n'ont point d'ambition, qui vivent au jour le jour, qui n'aspirent pas à la gloire, au pouvoir, qui ne rêvent pas de grandeurs, qui se renferment dans leur petit négoce et dont l'horizon se borne à la porte de leur boutique ou au bout de leur champ. À ceux-là l'heureuse médiocrité chantée par les poètes.


Mais ceux qui, comme vous et moi, vivent de la vie intellectuelle, devraient être riches, l'homme qui travaille de la tête du matin au soir, qui pense pour ses semblables, qui leur fournit des idées, a besoin, pour se reposer, pour se retremper, d'un certain luxe matériel. Non seulement il en a besoin, il y a droit. Du reste, de nos jours, la richesse, c'est le pouvoir. Pour faire le bien, il faut être riche, absolument. Que voulez-vous qu'un pauvre diable, comme vous ou moi, fasse dans le monde moderne ? Si nous étions riches, quels ravages ne ferions-nous pas dans le camp ennemi !


En parlant ainsi Saint-Simon s'était exalté peu à peu. Il gesticulait avec violence. Lamirande le regardait avec piété et terreur.


— Pauvre ami, dit-il, ce sont là de bien fausses idées qui vous sont venues je ne sais d'où. Pour les réfuter en détail, il me faudrait plus de loisir que je n'en ai ce matin. D'ailleurs, vous devez sentir vous-même que ce sont de misérables sophismes. Car vous n'ignorez pas que les grandes choses, même dans l'ordre purement humain, n'ont guère été accomplies par les riches. C'est une tentation, mon ami, repoussez-là par la prière.


Saint-Simon haussa les épaules et secoua la tête, mais ne répondit pas.


Lamirande et son compagnon, arrivés à destination, pénètrent dans une misérable baraque. Ils montent trois escaliers branlants et s'arrêtent à la porte d'une petite chambre sous les combles. Le docteur frappe et une voix aigrie lui dit d'entrer.


Il ouvre la porte et un spectacle navrant se présente à ses regards. Une chambre basse, sombre, nue, froide et sale. Au fond de la pièce, un pauvre grabat sur lequel est étendu un vieillard. L'oeil exercé de Lamirande lit sur le visage de cet homme les ravages de la maladie, ou plutôt de la faim et de la misère.


Il voit non moins distinctement les traces d'une grande souffrance morale. Ce vieillard n'est pas un pauvre ordinaire. Ses habits, d'une coupe élégante et assez propres encore, forment un singulier contraste avec l'affreux aspect de la chambre. Lamirande s'approche du lit et regarde attentivement le vieillard.


Où ai-je donc vu ces traits ? se dit-il en lui-même.


Puis tout haut :


— Mon cher monsieur, vous paraissez souffrant. Nous sommes venus, mon ami et moi, vous porter secours. Vous avez besoin de manger, sans doute. Vous avez besoin de remèdes et de soins. Ne voulez-vous pas que je vous fasse entrer à l'Hôtel-Dieu ? Vous y seriez infiniment mieux qu’ici...


Une expression pénible et amère contracta le visage du vieillard.


— Non, dit-il, je veux mourir ici. Quelqu’un m'enterrera, ne serait-ce que pour se débarrasser de mon cadavre.


— Il ne s'agit pas de vous enterrer, mon cher monsieur, dit Lamirande, mais de vous soigner et de vous guérir.


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