Les Fils du Verseau

 

ROUSKI

De la déchéance autour de nous ? Pourra-t-on s’en sortir ? Comment les Fils du Verseau s’y prennent-ils ?  Comment ont-ils développé leur puissance ? Et comment cela peut-il affecter chacun d’entre nous ?


Suivez leurs péripéties dans les différents pays, vous y gagnerez !

...


Le Dr Shruler


    Bob et son père mangeaient dans une salle à dîner intime de leur demeure. Consultant sa montre, Roch Thorncliff dit impatient :


– Ta mère n’est pas descendue. C’est ennuyeux, cette femme me cause sans cesse des ennuis !


    Rapprochant son consommé vers lui, Bob l’informa :


– Je l’ai vue tout à l’heure et elle ne m’a pas paru en très grande forme.


– Je paie des fortunes pour la faire soigner et elle ne s’améliore jamais. J’ai d’ailleurs l’intention de la faire hospitaliser. Le Dr Shruler prétend qu’un nouveau traitement, récemment mis au point, réussirait à la faire fonctionner. À propos, as-tu lu son exposé sur le comportement des masses ?


– Oui, en entier.


– C’est une oeuvre remarquable ! Il a trouvé et expérimenté des méthodes efficaces d’obéissance sans aucune douleur physique. Je ne supporte pas que l’on maltraite les gens physiquement, c’est barbare et cela fait des révoltés. Je trouve ce Dr Shruler tout simplement génial !


– Avons-nous lu le même ouvrage, père ? Il me semble qu’il ait trouvé le moyen d’abrutir l’homme par des pièges beaucoup plus dangereux que le fouet ?


– Je continue à dire qu’il est un génie ! Je lui ai réservé une aile complète dans mon institut de recherche. De grandes sommités se joindront à lui et j’agrandirai mon pouvoir grâce à eux. Lorsque je mourrai, ta puissance sera sans égal, mon fils !


– J’y compte bien ! C’est un point que nous partageons avec la même volonté de fer.


    Rock Thorncliff se détendit. Il aimait entendre son rejeton parler de la sorte. Plus posément, il lui proposa :


– Avant la cérémonie, si tu le veux bien, nous irons visiter le département de Shruler. Il m’a promis de me faire voir quelque chose d’assez inusité.


– Volontiers, je t’accompagnerai, cela m’intéresse d’autant plus qu’à mon retour, j’ai l’intention de prendre la direction de la santé et des communications.


– Nous sommes bien d’accord sur ce point, répondit le père.


    Soulagé, Bob sourit. Il venait de recevoir la réponse à sa question posée plus tôt dans la matinée.


– Père, accepterais-tu de laisser maman venir avec moi en Angleterre ? Il me semble que cela lui aiderait à récupérer.


– Tu n’y penses pas ! Ta mère a un rôle à tenir, et pas plus que moi, elle ne peut s’y soustraire. Lorsqu’on se tient au sommet de l’Amérique on ne peut diminuer sa vigilance. Un jour tu comprendras cela toi aussi.


– En ce qui te concerne, je comprends très bien, mais maman n’a rien à faire dans ce jeu...


– Ce n’est pas un jeu ! Y penses-tu, je suis au sommet du monde ! Il ne se trouve pas homme plus puissant que moi ! J’ai tout transformé, il n’existe maintenant que des multinationales, aucune entreprise privée n’a survécu !


    S’emballant encore un peu plus :


– Je dirige absolument tout : les matières premières, les produits finis, la consommation, le grand monde de la santé et même les Églises ! Personne n’a encore réussi à régner en Maître absolu sur un si grand pays !


Tu connaîtras ton heure de gloire, mon fils, j’ai bâti non seulement un Empire mais un Monde ! Tu apprendras à maintenir l’ordre avec une main de fer pour éviter de te faire mordre par les serpents venimeux qui rampent dans ces hautes sphères. Tu sauras voir s’il faut les éliminer ou les asservir. Je t’apprendrai tout cela pour que mon nom se perpétue à jamais !


    Bob regarda ce despote sans coeur qui écrasait à lui seul des milliards de personnes pour le seul compte de sa grandeur.


– Je deviendrai un homme encore plus puissant que toi et ma puissance affectera non seulement l’Amérique mais tous les pays du monde. Non, père, le nom des Thorncliff ne sera jamais oublié, il marquera l’ère du Verseau d’une indélébile signature !


– J’aime t’entendre parler de la sorte, j’en frémis de plaisir. J’ai une telle confiance en toi que tu ne me décevras pas, de cela j’en suis sûr.


– Tu as raison d’espérer. Si tu vis assez longtemps, tu verras changer la face du monde sous mon influence.


    Bob changea immédiatement d’attitude pour reprendre calmement :


– Écoute, si tu as l’intention de faire hospitaliser maman, pourquoi ne consentirais-tu pas que je l’amène avec moi ? Un séjour en Angleterre ne pourrait que lui être salutaire !


– Je n’aime pas tellement l’idée de la savoir loin. Je me suis habitué à elle. C’est important pour moi qu’elle soit là au moment où j’en ai besoin. Elle ne m’a jamais trahi, elle m’obéit respectueusement. Elle n’est pas de ces femmes qui posent toujours des questions. En plus, elle sait se tenir et elle connaît tout le monde. Je peux me fier sur elle pour me remplacer n’importe quel temps.

Non, Bob, à bien y réfléchir, tu devras te passer de cette fantaisie. Elle ne sera pas hospitalisée bien longtemps, le Dr Shruler me l’a promis.


– Tu ne le sais peut-être pas encore, mais moi aussi, j’ai l’intention tout aussi déterminée que la tienne de l’amener avec moi, ajouta Bob en regardant son père droit dans les yeux.


– Tu oserais t’interposer devant ma volonté ? demanda-t-il en fixant Bob.


– Certainement ! Personne ne soumet un Thorncliff, pas même toi ! Je te dis que j’amènerai ma mère, moi aussi j’ai besoin d’elle.


    Bob soutint sans difficulté le regard d’aigle de son père. Jamais il ne l’avait craint. Roch Thorncliff céda.


– Tu m’as toujours tenu tête. Tu es très fort, Bob, et j’apprécie cette qualité. Soit, ta mère ira avec toi pour six mois.


– Non, père, elle demeurera auprès de moi tout le temps de mes études.


– Entendu, elle restera. Compte-toi chanceux, tu es la seule personne à qui je permets de s’opposer à moi.


– Un homme aussi puissant que toi a besoin de quelqu’un qui sache lui tenir tête, sinon il s’affaiblirait !


    Esquissant un sourire retenu, le vieil Aigle regarda à nouveau sa montre et dit :


– Il est l’heure de se rendre à l’hôpital. Tu verras comme il est beau ! Je l’ai entièrement payé, il est à moi seul !


– Allons-y, je brûle d’envie d’admirer ton chef-d’oeuvre !


*******


    Ils déambulèrent dans les couloirs de l’établissement neuf. Bob, vivement intéressé, regardait partout. Soudain il demanda :


– Comment les malades pourront-ils se payer un séjour ici ? Tout y est tellement luxueux !


– Cet hôpital n’est pas pour le bas peuple, il ne servira qu’à soigner les gens bien nantis. Sache que je n’investis jamais à fonds perdus. Les gens paieront une fortune pour venir ici. Ils jouiront des soins des plus grands spécialistes. Viens par ici, regarde de ce côté, c’est la cure de rajeunissement. L’hôpital disposera même d’hôtesses accommodantes pour les vieux fous qui espéreront retrouver leur beauté.


    Bob grimaça et du regard enveloppa tout ce luxe outrageant. En riant il lui dit :


– Celui qui sera malade ici ne voudra jamais guérir de peur de quitter ces lieux !


– Je savais que cela te plairait ! s’exclama Roch Thorncliff fier de son oeuvre. Tu vois sur cette fontaine, j’y ai fait graver ton nom. Et derrière ce drap, il y a une plaque coulée dans l’or à ton effigie. Tu seras donc le symbole de la jouvence, es-tu content ?


    Après avoir cligné des paupières à plusieurs reprises, Bob éclata de rire.


– Pour une surprise, c’en est une, père !


– À la bonne heure. Je vais maintenant te présenter au professeur Shruler, il nous attend dans son laboratoire.


*******


    En entrant, le professeur n’était pas là. Bob eut la vision de ses propres laboratoires du temps de Solaris (dans « Les Mutants »). Il y vit beaucoup de similitudes dans le dépouillement strict des espaces. C’est dans le laboratoire personnel de Shruler qu’il fût le plus renversé : la disposition et les appareils étaient quasiment identiques aux siens jadis. Il retint un frisson d’horreur et comprit que Shruler jouait un jeu bien terrible. Il lui tardait de l’identifier et n’eut pas à attendre longtemps puisque qu’il les rejoignit presque tout de suite.


    Pendant que Bob observait, son père parlait de son désaccord sur la misérable décoration. Le manque de faste le déconcertait totalement.


    Les gestes du Dr Shruler étaient serrés. Une haine farouche, dissimulée sous un sourire mielleux, mit immédiatement la puce à l’oreille de Bob.


    Lorsque son père lui présenta, Bob vit à travers ses cils le même regard de serpent de Messana. Elle était revenue afin de poursuivre la bataille qui l’opposait à Romador. (Dans le livre « Les Mutants ».)


    Shruler, abruti dans les vapeurs noires de l’oubli, ne réussit qu’à percevoir qu’il n’aimerait pas Bob. Bien que totalement inconscient que son pire ennemi se tenait là, il sentit une vague submergeante de haine monter en lui, qu’il s’empressa de couvrir par un sourire aux dents jaunies.


    Shruler portait des vêtements qui ne lui seyaient pas. Bien qu’ils parurent ajustés, ils semblaient flotter à l’intérieur. Au premier coup d’oeil, ce petit homme semblait souffrir d’une maladie cancéreuse, c’était sa nature même qui dégageait cette impression. Bob remarqua que, même son père se reculait légèrement pour se dégager de l’espace du professeur, apparemment il ne s’y sentait pas à l’aise.


    Une fois que Bob eut visionné tout le tableau et qu’il sut à qui il aurait à faire, il laissa Shruler leur montrer ce qu’il désirait.


– Venez, jeune homme, je vais vous faire voir les merveilles de la science moderne. Rien ne manque grâce à la générosité de votre père !


– Mais si, dit Bob en riant, il n’y a aucun androïde !


    Les yeux de Shruler se rétrécirent. Il parut lutter contre un opposant invisible. Puis il lança :


– Vous croyez cela ? Suivez-moi !


    Ils descendirent dans les sous-sols. Shruler ouvrit une porte, traversa une pièce encombrée, déverrouilla une porte plus étroite et d’un ton satisfait de vainqueur, il annonça :


– Voyez par vous-mêmes, ce sont des androïdes de la plus pure espèce !


    Roch Thorncliff s’approcha pour voir de plus près, ne sachant s’il devait sourire ou hurler. Quant à Bob, son coeur se serra à la vue des deux créatures au regard absent. Un homme et une femme d’une cinquantaine d’années se tenaient assis l’un près de l’autre.


    Les yeux de Shruler se promenaient à une rapidité folle sur les visiteurs. Il lui importait de causer un effet à ce petit blanc-bec de riche et Bob le comprit. C’est pourquoi il lui dit :


– Fitchtre ! Qui sont-ils ? On dirait de vraies personnes !


– Ce sont des androïdes modernes fait de chair et d’os. Il ne s’agit pas de science-fiction, non, j’ai trouvé le moyen de les faire réagir et obéir par ma seule volonté.


    Devant le silence des visiteurs, Shruler devint plus loquace.


– C’est une oeuvre remarquable, n’est-ce pas ? Voyez, ces corps n’ont pas été molestés, aucune violence ne leur a été faite !


    Bob retint un soupir de chagrin.


– Mais que leur avez-vous fait alors ? demanda Roch Thorncliff abasourdi.


– C’est la réussite parfaite de ma technique sur le contrôle du cerveau humain.


    Les muscles du savant tressautaient de plus en plus, son malaise s’accentuait. Bob observa le dément qu’il avait devant lui. Il regarda son père pour y voir un pli de dégoût autour des lèvres. Shruler proposa :


– Je vais vous faire une petite démonstration... Jonas, c’est un ordre, frappe Mary, ta femme.


– Oui, Monsieur, répondit Jonas.


    Et il frappa Mary qui se tordit de douleur. Bob se mordit la lèvre inférieure. Son père se mit à rire nerveusement et Shruler ordonna à la femme d’embrasser son mari. Elle s’exécuta sans attendre. Shruler prit à nouveau la parole :


– Qu’en dites-vous ? Ce sont des androïdes modernes. Ces personnages ainsi modifiés feront des gardes du corps fiables. Les riches se les arracheront à prix d’or. Vous voyez, ils peuvent être très gentils ou extrêmement dangereux.


– Combien comptez-vous en produire ? demanda Bob intéressé.


    Cette question soulagea le professeur.


– Autant que l’on m’en commandera. J’aurai bientôt un personnel entraîné pour me seconder. Pour l’instant je n’ai que ce couple. J’ai dû essuyer de lourdes pertes avant de réussir.


– Je n’en doute pas une seconde, professeur, approuva Bob. Quelle est votre méthode pour en arriver à d’aussi surprenants résultats ?


– Cela vous intéresse-t-il vraiment ? demanda Shruler un peu surpris.


– Au plus haut point, répondit Bob, tout à fait détendu.


    Reprenant confiance en celui qu’il avait mal jugé au début, il s’empressa de lui expliquer :


– Au départ, j’utilise les vieux procédés de drogue et d’épuisement et grâce aux nouveaux développements de l’électronique, j’efface le contenu de leur mémoire et j’implante de nouveaux circuits. Au fond, le mental humain n’est qu’une machine programmable ! Si vous désirez voir les différentes phases, j’ai trois cobayes en transformation...


– Non, Dr Shruler, s’empressa de dire Roch Thorncliff, je regrette mais la cérémonie va bientôt commencer. Partons, Bob.


    Dans l’ascenseur, Shruler dit à Roch Thorncliff :


– J’avais l’intention de vous faire cadeau de mes androïdes pour vous remercier de l’installation que vous m’avez procuré.


– Merci, professeur, je les accepte avec plaisir, répondit-il courtoisement.


    Une fois seuls, Roch Thorncliff dit à son fils :


– Je te l’avais dit qu’il était génial ! Ces gardes du corps feront ma fortune. Je les nommerai : « Les Androïdes Thorncliff ». Finie l’ère des robots mécaniques !


– Est-ce que je me trompe si je dis que tu m’as paru un peu ennuyé ?


– Ce qui m’ennuie, c’est tout le mécanisme de l’explication. Je n’ai pas de temps à perdre avec ces choses, par contre la trouvaille est de taille, les gardes du corps cherchent toujours à se protéger, avec ces androïdes, le problème sera réglé !


...



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