Un homme venu de loin                       ROUSKI

 

...


Un jour, ils ont reçu de leurs dieux des animaux venus dans un petit vaisseau. Il y avait vingt couples de bovins et des poules en grande quantité. Leurs bovins, contrairement aux nôtres étaient tout petits, pas plus hauts qu’un grand chien et leur corps était enveloppé de fourrure. De longues oreilles velues pendaient de chaque côté de leur tête. Ils étaient de couleur brune allant vers le gris. Il s’agissait de très belles bêtes. Mais les habitants n’avaient jamais vu d’animaux et ils se sont courbés devant ces merveilleux présents. Quant aux poules, elles possédaient deux très longues pattes, de grandes ailes, un bec recourbé et des petites dents très fines. Elles pouvaient voler mais sur Gaéla, cela leur était impossible. Pour les enfants, les dieux ont envoyé des chatons qui, ma foi, ressemblaient à n’importe quel chaton.


La jeune Naïa, moins craintive que les autres, s’est approchée et a pris un chaton dans ses bras. Son père a voulu le lui enlever mais sa fille s’est vite sauvée en le serrant dans ses bras.


Chaque fois qu’un petit vaisseau s’approchait, tous étaient avertis par une sirène retentissante située tout en haut de la Tour Dakuïla. Tout le monde s’attroupait, ravi de connaître ce que les dieux leur envoyaient. Il pouvait y avoir un écart de cinq ans entre chaque arrivée et parfois moins. Chaque fois c’était la fête.


Une multitude de petits vaisseaux jonchaient le sol, certains en bonne condition et d’autres complètement rouillés par les années parce qu’ils ne repartaient jamais. Il y en avait de différentes tailles, des plus grands aux plus petits. Les habitants, au cours des décennies en ont démolis plusieurs pour se servir de ce dont ils avaient besoin.


Comme l’ignorance crée la stupidité, ces anciens exilés sont devenus avec le temps un peuple fétichiste. Les écrits des anciens n’ont jamais été retrouvés et personne ne les a cherchés par manque de savoir.


Naïa, jeune fille de treize ans, très intelligente, qui se souciait moins que les autres des traditions ancestrales, plus vive et plus observatrice, croyait aux dieux mais ne se sentait pas aussi soumise à eux que le reste de son peuple. Elle avait vite compris que les chats étaient pour les enfants et s’en est appropriée d’un, immédiatement. Les autres enfants qui mouraient d’envie de faire de même mais qui, trop craintifs, attendaient l’assentiment de leurs parents pour en prendre un.


En voyant la petite Naïa se sauver avec le chat, tous consultèrent leur chef afin de savoir ce qu’ils devaient faire. Le père de Naïa se trouvait à être le chef de la petite ville et des villages autour, (le maire, en nos termes). Lui-même hésita un moment et finit par acquiescer en regardant sa fille disparaître avec le chat. Pourquoi avait-il été choisi comme chef, c’était tout simple ; parce qu’il était le seul à posséder une fourrure toute blanche et les autres ont cru qu’il fallait l’élire à cause de cela.


– Je crois que les dieux offrent un cadeau aux enfants, dit-il, peu sûr de lui-même, laissez-les prendre une petite chose velue.


– Nous avons deux enfants, dit l’un, pouvons-nous en prendre deux ?


– Non, une par famille suffira si nous voulons que chaque enfant en ait une.


Effectivement, les Protecteurs connaissaient le nombre exact des enfants de Gaéla. En fait, ils suivaient l’évolution à l’aide de leurs puissants satellites qui tournaient à bonne distance du trou noir. De cette façon, ils savaient toujours quels étaient les besoins du petit peuple et les aidaient du mieux qu’ils pouvaient. À chaque fois qu’ils expédiaient une livraison, ils laissaient un écrit mais comme les hommes ne savaient plus lire, ils déposaient ces textes sur un hôtel érigé en l’honneur de leurs dieux. Lorsqu’ils recueillaient ces écrits, ils les transportaient avec d’infinies précautions et c’était au grand prêtre à qui revenait le droit de les déposer aux pieds de la statue de Morlifore. Ils n’avaient aucune idée de ce qu’étaient ces mots écrits sur un papier si léger et si doux. Parfois, sans que personne ne le voit, le grand prêtre passait son doigt velu sur un texte et tombait en transe s’il le faisait plusieurs fois. Des images totalement inconnues l’habitaient pendant un long moment puis sa transe s’arrêtait et il se mettait à pleurer. Ce besoin de toucher à cette chose sacrée le rendait fou. Il sentait qu’il ne devait pas faire cela puisque le papier appartenait à son dieu mais cette transe qu’il vivait avec toutes ces images inconnues lui donnait soif de savoir. Il se consolait du fait qu’il était le grand prêtre et que ce titre unique lui octroyait ce droit. Aussi ignare que les autres, le pauvre Morké, se justifiait ainsi.


À la maison de Naïa, le père, la mère et la grand-mère s’émerveillaient devant cette chose vivante qui ne parlait pas mais qui jouait et miaulait sans cesse.


– Donne-lui un nom, Naïa, lui dit sa mère.


– Il s’appellera Ronron. Le Ronron de Naïa.


– C’est un très joli nom, ma petite fille, dit la grand-mère. Je suis très heureuse pour toi que tu aies reçu ce cadeau du Grand Morlifore. C’est qu’il bénit tous les enfants de ce pays.


– Oui, grand-mère, c’est merveilleux d’avoir ce petit Ronron ! dit-elle les yeux brillants de joie.


Naïa le prit et le coucha dans sa douce fourrure et le petit chaton s’endormit en ronronnant de plaisir. Tous étaient en extase devant ce si joli spectacle. Ceux qui n’avaient pas d’enfants se désolaient de ne pas avoir de chat, mais comme les chats ont l’habitude de se multiplier rapidement, le problème ne devait pas durer longtemps.


La plus grande et la plus belle maison était celle de Naïa puisque le père avait été élu par tous. On lui avait donné la meilleure maison de la ville, construite depuis quelque quatre cents ans. Elle comprenait dix chambres, deux salons, une cuisine immense et une salle d’aisance. Puisqu’il était le chef, il se devait de recevoir dans son domicile celui qui venait de loin. Ici, je parle d’un visiteur comme un fermier qui apportait des légumes ou des fruits à la ville pour les vendre ou tout autre marchand. S’il y avait un litige entre deux personnes, c’était au chef de résoudre le problème. Cela se faisait également dans sa grande maison qui servait autant de palais de justice que d’hôtel. Toute la famille s’en accommodait et l’épouse et la grand-mère fabriquaient et servaient de délicieux repas aux invités. Naïa, qui était ravissante et pleine de grâce, accueillait les gens et servait de guide dans la ville.


Tous désiraient voir le sanctuaire élevé à la mémoire des dieux Morlifore et Luminore. Avec les années, ce sanctuaire s’était agrandi et embelli. Pour l’atteindre, il fallait monter une vingtaine de marches et pénétrer dans une enceinte entièrement fabriquée par des pièces des vaisseaux spatiaux. Aucun autre matériau ne devait être utilisé pour servir d’abri aux dieux. Toute la pièce était de forme ovoïde et les quelques sièges provenaient des anciens vaisseaux. Les statues, faites de métal fondu avaient été posées sur un tableau de bord pris du plus grand vaisseau. Un artiste, qui aimait travailler le métal avait réussi à donner à ce sanctuaire une atmosphère paisible et doucement éclairée par les bougies recouvertes d’une mousse rosée qui se trouvait dans les cloisons des vaisseaux. Cela permettait de tamiser la lumière qui donnait à tout ce métal un doux reflet. Chaque personne qui visitait le lieu apportait une offrande, habituellement, c’était des fleurs. On avait donné la permission de les apporter puisque ces fleurs provenaient des graines envoyées par le grand dieu.


Quelques jours plus tard, le chaton montrait des signes de faiblesse, Naïa le prit et se rendit au sanctuaire. Elle déposa son chat près de l’hôtel et pria le grand dieu de faire quelque chose pour Ronron.


« J’ai tout essayé, Morlifore, il ne mange rien de ce que je lui donne, si je ne trouve pas rapidement, il va s’en aller dans le royaume des morts et moi, je ne veux pas, alors aide-moi ! »


Sa prière fut si intense qu’elle comprit qu’elle devait retourner au vaisseau. Ce qu’elle fit sans faire sa révérence au moment de partir. Une fois au vaisseau avec son chat, elle chercha un moment et ne vit rien, presque découragée elle palpa le mur et trouva le long d’une cloison une enveloppe qu’elle ouvrit prestement. Ses yeux s’agrandirent et elle se mit à sourire.


 « Merci, grand Morlifore ! » puis elle se rua dehors.


En arrivant dans le pré, elle vit les bovins qui broutaient. Elle s’approcha d’une vache rapidement et la caressa. Cette dernière se détendit devant le petit bolide qui fonçait sur elle et sous la pression de Naïa, se coucha sur le flan. Immédiatement, le chaton attrapa un pis et commença à boire le lait. Naïa était aux anges, elle regarda Ronron boire gloutonnement. Il but si longtemps et si abondamment qu’il finit par s’endormir le pis dans la gueule et pendant tout ce temps, la mini vache ne bougea pas d’un cil.


Naïa partit donner la bonne nouvelle aux autres enfants et chacun passa le message. Les chats étaient sauvés. Naïa avait tout de même trouvé un trésor dans le vaisseau et ne comptait le dire à qui que ce soit. Elle hésita avant de revenir le chercher, elle savait que c’était la propriété du dieu et que seul le grand prêtre devait le prendre mais sa grande intelligence lui dictait de ne pas mettre ce trésor dans les mains du vieil homme. Elle craignait surtout la punition du dieu mais son envie de comprendre était plus puissante que sa peur. Elle retourna donc au vaisseau et s’empara de ce qu’elle avait vu en prenant grand soin de le cacher. Le soir elle se coucha et demeura éveillée attendant, le cœur battant, une punition. Et comme rien ne venait, elle finit pas s’endormir.


Le lendemain, alors qu’elle se trouvait seule, elle sortit son trésor de dessous son lit et le déposa avec mille précautions sur son matelas fait de fourrure. Il s’agissait de photos. Sur l’une, elle voyait la petite vache nourrir un chat et sur une autre elle voyait un homme sans fourrure qui souriait en saluant. Cette photo lui fit venir les larmes aux yeux. Elle venait de comprendre que les dieux n’étaient en réalité que d’autres sortes d’hommes. Si elle avait pu entrer dans cette image, elle l’aurait fait tellement cet homme au beau sourire la médusait.


« Il y a donc des hommes quelque part ailleurs ! Nous ne sommes pas seuls au monde, j’ai envie de le crier tellement je suis heureuse de savoir cela ! Mais à qui le dire ? Personne ne me croira et si je montre l’image, ils crieront que j’ai volé l’image sacrée des dieux, que faire ? Dois-je la retourner là où elle était ? Non, cette image est à moi et je veux la garder. »


Elle replaça l’enveloppe sous son lit et sortit de sa chambre dans une grande agitation. Elle ne tenait plus en place, voulait confier son lourd secret mais ne savait pas à qui le dire. Sa mère la voyant si agitée lui demanda :


– Qu’as-tu, ma petite fille, tu me parais bien émue ?


– Non, maman, je n’ai rien de particulier, je t’assure !


– Mmm, je ne te crois pas, Naïa, dis-moi ce qui se passe ?


Et la petite éclata en sanglots et s’enfuit dehors.


– Naïa ! cria sa mère en la suivant, reviens, ma fille, je veux savoir !


Mais Naïa courait encore plus vite et cherchait à sécher ses larmes qui ne cessaient de couler.

Un trou noir ?

 

Une planète y étant engouffrée ?


Des gens pouvant y survivre ?


Mais comment ?


Suivez cette histoire sans précédent !

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