Les Koumiassine Tome 2
 

Malgré les bonnes résolutions de la comtesse, elle ne peut s’empêcher d’en faire baver à sa nièce et cela, sans aucune raison.


Presque morte, sa cousine se doit de la sauver.


Voyez comment elle a dû s’y prendre pour y parvenir, vous serez surpris, assurément !

Sommaire



Entretien conjugal

La nuit de Pâques

Mademoiselle Justine ne perd pas courage

Le comte obtient un succès inattendu

Vassilissa tient tête à sa tante

La comtesse forme un nouveau projet

Vassilissa reprend courage

Autre proposition

Les enfants doivent obéissance et soumission

Zénaïde s'assure du renfort

Entretien dans la serre aux ananas

Vassilissa fait de l’exercice

Zénaïde se promène

Au feu !

Zénaïde reçoit une verte semonce

Le comte Koumiassine reçoit une visite imprévue

Comme on se retrouve !

Un complot

Maritsky se met en colère

Comment on va aux serres avec des parapluies

Vassilissa exprime nettement son opinion à Tchoudessof

La comtesse prend une résolution généreuse

Zénaïde joue une vieille valse

Fer contre fer

Zina fait une visite sans permission

Un peu partout

La comtesse prend les choses de haut

Zina fait des siennes

Conclusion

Épilogue



Les enfants doivent obéissance et soumission



Les jeunes filles revinrent à la maison lentement, car la faiblesse du matin avait repris Vassilissa.


À peine rentrée dans la grande chambre, celle-ci fut prise de frissons. Elle se mit au lit, et la fièvre se déclara bientôt.


La comtesse, prévenue de cet accident, envoya chercher un médecin. Mais en Russie les distances sont effrayantes. La ville voisine était à vingt-cinq verstes. Le médecin n'arriva que le lendemain, dans l'après-midi.


Vassilissa n'avait plus de fièvre. La torpeur qui avait suivi son évanouissement de l'avant-veille était revenue. Le médecin n'était pas bien savant, et de fait, il aurait fallu une clientèle plus variée que n'était la sienne pour lui donner la clef de ces affections étranges qui déroutent parfois les célébrités médicales les plus renommées.


Il conseilla le repos, les fortifiants, le sulfate de quinine si la fièvre reparaissait.


— Pas d'émotions surtout ! ajouta-t-il quand il apprit que la maladie avait débuté par un évanouissement causé par une commotion morale.


Là-dessus, le brave homme partit. Que celui qui eût pu mieux dire lui jette la première pierre.


La comtesse, à vrai dire, ne croyait pas à la maladie de sa nièce. Une maladie qui ne se traduisait que par la faiblesse et une somnolence invincible n'était pas une maladie, à son sens. Vassilissa mangeait une aile de poulet, des oeufs à la coque, buvait de bons bouillons, du vin de Bordeaux. Que fallait-il de plus pour la remettre sur pied ?


Après avoir accordé trois jours de répit à la maladie, la comtesse vit là une ruse pour obtenir par la pitié une seconde réconciliation semblable à la première. Et outrée de cette prétention exorbitante, elle fit transporter Vassilissa dans une petite pièce attenante à sa chambre à coucher, et qui n'avait pas d'autre issue.


La fenêtre donnait sur le jardin, qui n'était qu'a cinq pieds au-dessous, et la lumière entrait à flots. Mais pour une enfant malade, cette pièce riante devenait une prison, et toutes les prisons sont noires.


Pour plus de vigilance, la comtesse fit enlever la porte qui donnait dans sa chambre. L’ouverture béante fut masquée par un rideau, et Vassilissa se trouva ainsi absolument séparée du reste du monde.


Au bout de vingt-quatre heures, la comtesse fut bien forcée de s'apercevoir que sa nièce était réellement malade. On ne joue pas ainsi l'hébétude et la torpeur quand on est activement surveillée.


Vassilissa souffrait. De quel mal ? Le médecin n'avait pu le dire.


On le rappela, il n'en dit pas plus long que la première fois. Comme la première fois, il recommanda le calme, — pas d'émotions.


La comtesse n'en tint pas compte, et pour cause.


— Maladie romanesque ! disait-elle. Faudrait-il céder parce que cette petite fille aurait assez mauvais caractère pour s'en rendre malade !


La comtesse était arrivée à ce point d'aberration où tous les événements, quels qu'ils soient, paraissent subordonnés à l'idée que l'on poursuit. Pour moins que rien, elle eût fait entrer les éléments dans ses combinaisons. Il fallait que sa nièce obéit... le reste n'était plus rien.


À partir du jour où elle lui aurait dit : « Ma tante, je ferai ce que vous voudrez », Vassilissa eût été choyée comme une reine, et l'on se serait bien gardé de la presser pour l'exécution de sa promesse. La comtesse se flattait d'obtenir bientôt ce beau résultat, grâce auquel sa nièce acquerrait les vertus d'humilité et de soumission qui lui faisaient si grandement défaut.


Les jours passaient cependant, et Vassilissa ne montrait point de symptômes d'affaissement moral. Tous les matins et tous les soirs sa tante entrait dans sa chambre et lui disait d'une voix calme :


— Avez-vous réfléchi, ma nièce ? Êtes-vous décidée à m'obéir ?


— Non, ma tante, répondait la courageuse victime.


— Fort bien. Réfléchissez.


La comtesse se retirait là-dessus, et la longue journée d'été, étouffante et poussiéreuse, passait sur le corps somnolent de la jeune fille. Nous disons le corps, car son cerveau, bien affaibli, n'avait de vie que pour la résistance.


Cet emprisonnement durait depuis huit jours, lorsqu'un soir Vassilissa vit une tête s'élever au-dessus du bord de la fenêtre. Nous avons dit que cette fenêtre donnait sur la partie la moins fréquentée du jardin, du coté du potager.


Il y avait des hôtes au salon. Plusieurs personnes avaient passé la journée chez la comtesse.


La prisonnière crut d'abord que c'était quelque domestique étranger, oisif et curieux.


— Lissa ! dit la voix contenue de sa cousine.


Vassilissa, couchée comme d'ordinaire, se souleva sur son coude, leva la tête et entrevit confusément les traits de Zénaïde.


— Toi ! dit-elle, toi, ma chérie !


Zina, s'aidant de ses deux mains, et utilisant ses anciennes leçons de gymnastique, sauta dans la chambre. Ce qu'elle avait employé d'adresse et d'activité pour se procurer une chaise sans être vue est impossible à raconter ici.


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